3 - Dans l’agriculture tout le monde vit bien, sauf les agriculteurs !

Alors que l’on reproche aux agriculteurs de ne pas s’intéresser à la vente de leurs produits, ils sont en réalité victimes de nombreuses entraves commerciales. Inversement, ils constituent le seul maillon de leur filière à ne pas pouvoir se protéger des importations
Note n° 3 – 23 septembre 2024

Alors que l’on reproche aux agriculteurs de ne pas s’intéresser à la vente de leurs produits, ils sont en réalité victimes de nombreuses entraves commerciales. Inversement, ils constituent le seul maillon de leur filière à ne pas pouvoir se protéger des importations.

Les freins à la liberté de commercialiser en France

Un céréalier ne peut même pas vendre 1 kg de blé à un particulier ni une remorque d’orge ou de maïs à son voisin éleveur. Une loi du Front populaire, encore en vigueur, centralise la collecte. C’est un privilège attribué aux organismes collecteurs déclarés auprès des pouvoirs publics. Cela n’existe qu’en France et ne se justifie plus avec l’aide de l’informatique et des satellites. Par contre, nous pouvons tous acheter la cargaison d’un navire de soja OGM.

Un maraicher, ne peut adhérer qu’à un seul groupement de producteur en légumes : il lui est interdit de faire jouer la concurrence. La règle de l’apport total à la coopérative peut empêcher un producteur laitier qui voudrait fabriquer des yaourts à la ferme, de réaliser de son projet. La contractualisation est parfois une forme d’intégration et il est alors très difficile de sortir d’un groupement de producteurs de porcs ou de changer de laiterie. Produire de la farine et du pain à la ferme est très contraignant d’un point de vue réglementaire.

Les lois EGAlim ne s’intéressent pas à ces sujets qui sont tabous. Nos agriculteurs français vivent sous une chape de plomb maintenue par nos gouvernants avec la complicité de « la profession agricole ».

Les limites de la liberté d’entreprendre 

Sous prétexte de l’accaparement des terres, un agriculteur français ne peut pas acheter librement les terres de son voisin qui part à la retraite. Faute d’absence de vision agricole européenne, en Croatie se monte un poulailler industriel qui emploiera 2 500 ouvriers. De leur côté, nos grandes coopératives peuvent fusionner, racheter les derniers négociants privés du secteur et investir en Ukraine.

En agriculture, c’est souvent le client qui rédige les factures, cela peut donner lieu à certains abus et même à des prélèvements de cotisations syndicales sans l’accord dûment exprimé de l’agriculteur.

La majorité des prix payés à nos agriculteurs français résultent d’un cours « mondial », ou plutôt « intercontinental », imposé par des produits d’importation qui rentrent librement sur notre marché. 

Quand, lors d’une assemblée de coopérative un agriculteur se plaint du niveau du prix auquel on le paie ; immédiatement un responsable professionnel le recadre : « c’est comme ça, c’est la règle, c’est le cours mondial, on n’y peut rien. Si l’on veut exporter, il faut bien accepter les importations ». Pourtant, nos agriculteurs ne paient aucune de leurs fournitures au cours mondial car l’agrobusiness se protège. 

L’amont de la filière agricole sous haute protection !

Sur les médicaments vétérinaires et sur les produits phytopharmaceutiques Il y a des AMM (autorisation de mise en marché, comme sur nos médicaments,) qui constituent une protection nationale très efficace. 

Les éleveurs et les viticulteurs français qui ont acheté des produits vétérinaires ou de protection des cultures en Espagne ont subi de très lourdes procédures judiciaires. Pourtant, les produits sont les mêmes et nous sommes au sein du marché européen. 

Le lobby vétérinaire est puissant et les firmes de l’agrochimie ont une politique de prix très différente d’un Etat-membre à un autre. Les produits sont vendus aux prix auxquels les agriculteurs peuvent les acheter. L’écart peut être de 1 à 5 pour un médicament vétérinaire et de 1 à 2 pour un produit phytosanitaire entre la France et l’Espagne. 

Pour les semences, le SOC, Service officiel de certification du Ministère de l’agriculture, délivre des certifications nationales qui sont obligatoires pour que la semence puisse être commercialisée et utilisée en France. 

Les agriculteurs français qui ont également une ferme aux Etats-Unis, au Canada ou en Argentine se font confisquer leurs semences par la douane s’ils en mettent dans un container en rapatriant du matériel depuis le continent américain. Cette interdiction existait déjà avant l’arrivée des OGM.

L’industrie française des engrais réussi à faire mettre des taxes antidumping sur les importations d’engrais azotés russes pour protéger son outil de production. 

Tous les fournisseurs de l’agriculture protègent ainsi légalement leurs marges sans être contestés.

Les clients font la même chose. Les industries des biocarburants cherchent à se protéger des importations de biodiesel argentin ou encore d’éthanol brésilien et nos moulins de la meunerie turque sous prétexte de « dumping ».

Finalement, un agriculteur c’est un entrepreneur servile qui n’a pas vraiment le choix de ses productions, qui livre souvent à un seul client qui lui fixe le prix et établit la facture - le faisant parfois adhérer malgré lui à un syndicat - et qui commercialise les récoltes sans que l’agriculteur ne sache où finissent ses productions. Pour du blé : meunerie, alimentation animale, éthanol ou grand export ?

La politique commerciale agroalimentaire UE ne tient pas compte de l’agriculture

Les producteurs européens souffrent de la soumission de l’UE aux seuls intérêts des lobbies agroalimentaires (industriels ou entreprises d’import/export). Ils doivent perdurer pour fournir du minerai à ces industries agroalimentaires qui l’exportent comme des commodités sans chercher une valorisation de l’origine du produit avec un retour équitable et rémunérateur pour le producteur.

Si l’on veut rompre avec ce système et si l’objectif de la politique agricole redevient de nourrir la population, de retrouver des campagnes vivantes avec des paysans nombreux et prospères, alors il faut leur permettre de mettre en place des protections comme dans toutes les autres professions !