7 - Du constat aux propositions pour sauver nos paysans

Après avoir intégré la complexité du fonctionnement de l’agriculture nous pouvons entrevoir les 3 niveaux de chantiers à ouvrir : les accords commerciaux, la politique agricole commune - souveraine ! - et le mille-feuille français.
Note n° 7 – 18 novembre 2024

Après avoir intégré la complexité du fonctionnement de l’agriculture nous pouvons entrevoir les 3 niveaux de chantiers à ouvrir : les accords commerciaux, la politique agricole commune - souveraine ! - et le mille-feuille français.

Les 6 notes précédentes, dont la lecture est fortement conseillée pour la compréhension de ce qui va suivre, ont montré et démontré que :

  • Contre toute attente, la production agricole européenne est déficitaire,
  • En Europe, il y a un divorce entre la production agricole et la consommation qui ne sont plus en phase,
  • L’origine de la crise de l’agriculture vient des accords commerciaux qui imposent des prix agricoles trop bas au sein de l’UE,
  • L’intégration de l’agriculture dans l’OMC, interdit toute politique agricole souveraine,
  • La PAC actuelle se résume à la distribution d’un budget et ses réformes ne sont que des variantes dans la répartition des aides directes,
  • Avec des prix bien en dessous de leurs coûts de production réels, des aides PAC qui ne compensent pas la baisse des prix et qui diminuent au fil des ans, le nombre d’agriculteurs est en chute libre,
  • Il faudrait multiplier par 3 ou 4 le budget agricole européen pour résoudre la crise agricole, ceci étant impossible, nous sommes dans une impasse,
  • Pour tenter de résister, les agriculteurs se spécialisent et massifient leur production. Du coup, la Commission européenne leur impose de nombreuses contraintes environnementales, 
  • En France, nous sommes les champions des taxes, contraintes et normes et les agriculteurs se heurtent à de nombreux freins à la liberté d’entreprendre,
  • Tous les maillons des filières agricoles se protègent contre la concurrence déloyale et les importations, sauf les agriculteurs !
  • La recherche de compétitivité au niveau de la production agricole n’a pas pour objectif de fournir une alimentation au meilleur prix pour le consommateur mais de procurer du « minerai » à exporter sur le marché mondial par les industries agroalimentaires et les sociétés d’import/export,
  • L’agrandissement des exploitations agricoles est une utopie. Ce n’est pas une solution viable à terme face à des fermes usines au Brésil et en Ukraine, par exemple.
  • La régulation des marchés permet d’obtenir les meilleurs prix à la consommation,
  • L’augmentation des prix alimentaires à la consommation n’est pas due à l’augmentation des prix agricoles qui eux n’ont cessé de baisser depuis 30 ans,
  • Importer des produits agricoles au cours mondial n’a aucun effet sur le pouvoir d’achat mais fait disparaitre les paysans,
  • Seule une politique agricole souveraine - gérée avec volontarisme et sans sanction fiscale - réconciliera l’environnement et l’agriculture en redéployant et diversifiant les productions sur le territoire pour faire concorder la production agricole aux besoins d’une alimentation de qualité de la population européenne.

C’est à partir de tous ces constats que nous pourrons dessiner une future politique agricole commune afin de maintenir tous les agriculteurs et de leur permettre d’obtenir un digne revenu, issu du fruit de leur travail. Nous avons vu que la politique d’aides directes est à bout de souffle et impuissante pour répondre aux objectifs ci-dessus. Comme en plus, il n’est pas sain de rémunérer une activité noble par des primes, c’est donc vers des prix rémunérateurs que devra se tourner cette future PAC. L’actuelle PAC étant vassale de l’OMC et les accords commerciaux de libre-échange faisant chuter les prix des matières première agricoles au sein de l’UE via les quotas d’importation, la renégociation des accords qui sont préjudiciables à nos agriculteurs, à leur maintien, à notre alimentation, à l’environnement et à la vitalité de la ruralité, devient une évidence. Avec ces carcans, il est impossible de retrouver une politique agricole qui soit pleinement souveraine. 

Le souci c’est que les accords commerciaux sont multisectoriels : produits agricoles et industriels, services, propriété intellectuelle. Depuis les années 1990, l’Allemagne ne suit plus la France dans le dossier agricole car elle cherche à se prémunir de tout risque de rétorsion sur ses biens industriels dont particulièrement l’automobile. Le deal de la création du marché commun était à l’époque de favoriser l’industrie allemande mais aussi l’agriculture française.

Si le secteur automobile français disparaissait par manque de compétitivité, la Chine, la Corée et l’Allemagne pourraient sans problème fournir toutes les voitures pour le marché européen. Nous n’en sommes pas encore là et l’Union européenne a bien compris l’intérêt stratégique de sa production automobile en taxant, à hauteur de 38 %, les voitures électriques chinoises.

Par contre, si le modèle agricole européen disparaissait, aucun pays, ni même le Brésil ne pourrait nourrir 450 millions d’européens. L’agriculture revêt un caractère stratégique et l’UE doit librement pouvoir assurer au mieux la sécurité alimentaire de sa population, par sa propre production agricole. Le Green deal doit être abandonné car la protection de l’agriculture est une indispensable priorité.

Il faut tout simplement faire un choix entre d’un côté l’alimentation, les agriculteurs, l’emploi dans la ruralité et de l’autre les grandes entreprises du commerce mondial agroalimentaire (import/export). Ou bien nous permettons à quelques-uns de s’enrichir par le libre-échange qu’ils défendent par leur lobbying, ou bien nous permettons aux agriculteurs européens mais aussi de monde entier, de vivre dignement de leur travail ; la solution doit intégrer cette évidence. De quel côté est le bien commun ?

Nous avons l’exemple de la culture qui a dérogé aux règles du commerce international sur une initiative de la France depuis 1993, c’est l’exception culturelle française. Elle a sauvé notre production audiovisuelle et personne ne la remet en cause.

Aujourd’hui, l’agriculture empoisonne à peu près tous les accords commerciaux. Sortir l’agriculture des accords commerciaux, serait bénéfique non seulement pour les agriculteurs et les consommateurs mais également pour les autres branches de l’économie qui veulent échanger et qui n’ont pas besoin de protection comme la culture et l’agriculture. Ainsi nous n’aurions plus besoin de sacrifier nos paysans pour vendre de grosses cylindrées allemandes à une très petite minorité de population riche d’Amérique du Sud ?

1 – Agir impérativement sur les accords commerciaux

A long terme, car une telle démarche prendra du temps, nous devons redéfinir un statut particulier pour l’agriculture au sein de l’OMC ou plutôt en dehors (Exception agriculturelle). De nombreux pays seront intéressés par une telle remise en cause (boîte de pandore). L’OMC est actuellement en état de mort cérébrale (absence quasi-totale de discussions et statut quo qui arrange tout le monde, les USA en particulier). C’est pour cette raison que les accords de libre-échange fleurissent (accords d’ouverture des frontières sur mesure, OMC compatibles). Cette difficulté à faire évoluer la situation s’explique aussi par le fait que la politique de l’UE, sans vision souveraine, est actuellement à l’opposé de ce que nous recherchons.

Cette solution idéale est indéniablement l’objectif à atteindre à long terme. 

Cependant notre agriculture meurt, la situation est grave et il faut agir vite sur deux autres fronts. 

2 – Changer de logiciel pour redonner sa souveraineté à notre politique agricole commune

Au niveau européen, mettre en place des procédures de sauvegarde au niveau des frontières de l’UE et assurer une gestion volontariste de notre alimentation (en réduisant l’offre des produits excédentaires et en favorisant la production pour les produits trop déficitaires) pour retrouver et garantir des prix rémunérateurs au niveau de l’UE à l’image de ce que font des pays comme la Norvège, la Suisse ou le Japon et tant d’autres, bien qu’ils soient dans l’OMC. L’UE peut aussi le faire sans entrer dans la décroissance, inversement au Green deal qui est un projet décroissant sans aucune contrepartie sur un redressement des prix agricoles. Il y a un réel intérêt à ce que plus aucune production européenne ne soit excédentaire. Avec une telle approche nous pouvons assurer un revenu digne et cohérent pour nos agriculteurs. La gestion des marchés agricoles et alimentaires, en essayant d’être le plus autonome possible pour chaque production, garantit une sécurité optimale, au niveau de l’Europe, avec des produits d’un niveau de qualité reconnu.  

3 – S’attaquer au mille-feuille français

Champions du monde ! Oui, nous le sommes par nos normes, toutes nos contraintes, notre multitude de taxes, nos surtranspositions des textes européens et nos freins à la liberté d’entreprise. Le mille-feuille, jadis indigeste, est devenu toxique pour notre agriculture !

Nous devons opérer des changements radicaux pour que nos paysans ne soient plus abusés par l’ensemble des filières agroalimentaires, en ne ciblant pas seulement la grande distribution…

Les services de l’Etat (Douane, éducation…), les administrations nationales (ministères), territoriales (Préfectures, DDT…) et les établissements publics comme l’OFB ou les Agences de l’eau se doivent d’être au service des agriculteurs. Leurs personnels doivent être sélectionnés et formés en ce sens.

La chape de plomb qui annihile trop d’initiatives des agriculteurs doit être dynamitée !

Il y a généralement des marges de manœuvre pour l’application des règlements européens face aux spécificités des 27 Etat-membres. Utilisons-les au maximum dans l’intérêt de notre pays ; ne soyons pas plus impérialistes que l’Impératrice de la Commission !

Les prochains documents, développeront, en ordre inversé, les 3 points ci-dessus. 

Notre groupe de travail livrera ses propositions pour sauver nos paysans, notre agriculture, notre alimentation, notre souveraineté et donc notre civilisation enracinée en terre.